A quels moments les tuteurs doivent-ils intervenir auprès des apprenants évoluant dans un environnement virtuel et immersif de formation ? Cette question peut être traitée de plusieurs points de vue :
- la temporalité simplifiée d’une action de formation : avant, pendant, après
- la temporalité complexe relative au scénario pédagogique et au scénario tutoral
- l’intentionnalité des interventions, et partant des fonctions investies par les tuteurs
La temporalité simplifiée d’une action de formation : avant, pendant, après
Toute action de formation peut être modélisée temporellement selon trois phases que sont l’avant diffusion, le pendant la diffusion, l’après diffusion. Les dispositifs de formation s’appuyant sur la technologie et introduisant peu ou prou la distance investissent massivement l’avant. Ainsi, créer un monde virtuel demande des compétences informatiques et graphiques dont la mise en œuvre nécessite un temps initial important. Il est à noter que ce temps de préparation, de l’avant diffusion, est celui du concepteur et non des tuteurs. Il peut toutefois être fait appel à l’expérience des tuteurs pour remonter les besoins d’aide des apprenants auxquels le dispositif devra répondre.
La temporalité complexe relative au scénario pédagogique et au scénario tutoral
Les scénarios pédagogique et tutoral sont mis au point dans l’avant diffusion. Ils sont la plupart du temps confiés aux concepteurs. Toutefois, lorsqu’ils ne possèdent pas de compétences particulières en ingénierie tutorale (cf. billets sur l’ingénierie tutorale) les tuteurs sont de bonnes personnes-ressources pour concevoir, dimensionner et quantifier les interventions tutorales. Lors de la diffusion de la formation, les tuteurs interviennent de deux manières. D’une part, selon les préconisations du scénario tutoral, d’autre part, de manière plus réactive pour répondre aux besoins de soutien non anticipés des apprenants. Dans le cadre d’une formation en monde immersif, le tuteur peut adopter des postures particulières (cf. L'avatuteur en vol, posture à concevoir). Jean-Paul Moiraud a, par exemple, abondamment illustré la position en surplomb de la scène jouée par les apprenants (cf. Vidéo - Observer et tutorer les apprenants en altitude). Si cette situation peut être scénarisée, et à mon sens devrait l’être ne serait-ce que pour en donner la visibilité aux apprenants et ainsi échapper au simple voyeurisme, il est évident que les interventions que le tuteur entreprendra pendant la diffusion, dépendront fortement du vécu instantané des apprenants. Les interventions tutorales après la diffusion seront davantage destinées à faciliter la distanciation par rapport à la situation immersive vécue.
L’intentionnalité des interventions, et partant des fonctions investies par les tuteurs
Nous avons eu l’occasion de souligner que, plus qu’ailleurs, les interventions tutorales dans un monde immersif relevaient d’intentions (cf. Communication non verbale dans les mondes virtuels : le résultat d’une intentionnalité au risque d’une signification typée ?). Ainsi, les expressions corporelles de l’avatuteur sont bien la transcription d’une intention de la personne et ne sont plus en l’état une communication non verbale. Le caractère synchrone d’une communication en monde immersif ne doit pas faire penser que tout peut se jouer dans l’instant. D’autres situations de communication synchrones, telles que la classe virtuelle, montrent au contraire que la scénarisation est essentielle à leur bon déroulement. L’intentionnalité des interventions pose inévitablement la question des fonctions tutorales investies par les avatuteurs. Le fait que la formation se déroule dans un monde immersif ne joue pas sur la catégorisation de ces fonctions et des plans de support à l’apprentissage. (cf. Des fonctions et des plans de support à l’apprentissage à investir par les tuteurs à distance).
Temporaliser les actions tutorales au sein d’un dispositif de formation dans un monde virtuel n’est pas forcément aisé mais est nécessaire. La temporalisation simple de l’avant-pendant-après l’action de formation se révèle insuffisante à cet égard. Il est nécessaire de procéder à une ingénierie de la temporalité complexe en s’appuyant sur le scénario pédagogique pour concevoir le scénario tutoral. Dès lors, les typologies utilisées en FOAD pour caractériser les fonctions et rôles des tuteurs sont à étudier pour mieux typer les différents profils d’avatuteurs. Il faut néanmoins reconnaître que les principaux obstacles à la temporalisation-scénarisation du tutorat dans les mondes virtuels tiennent au fait que le scénario pédagogique, lui-même, n’est pas toujours pleinement défini. Or, le support à l’apprentissage que constitue le tutorat est forcément intrinsèquement lié au parcours d’apprentissage. Il serait donc certainement utile de mettre au point des outils simples permettant au concepteur de formation dans un monde virtuel de bâtir ses scénarios pédagogique et tutoral.
Illustration : Horloge 3D Monolith by Negrocode ; Design Studio
Agence Design : Negrocobre ; Designer : Emre Bakir & Mustafa Karakus
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